SHADES (2022-2023)

-Sept états entre l’ombre et la lumière-

Musique : Malika Kishino

Inspiré par « Éloge de l’ombre » de Junichiro Tanizaki (1886-1965)

  1. Pénombre et nature 花鳥風月
  2. Reflets profonds 肌理
  3. Obscurité, noir, rouge 闇、黒、赤
  4. Opacité de l’ombre 空間美
  5. Or et ombre, l’ombre que je ne peux oublier…
  6. Néon
  7. L’ombre à la mort 闇へ

durée 60min

Mailka Kishino, composition

Noëllie Poulain, chorégraphie et danse

Yon Costes, danse

Ayako Okubo, fûtes

Olivier Maurel, percussions

Raphaël Siefert, lumière et vidéo

Julien Meyer, son

Notre style de vie moderne, basé sur une technologie de pointe, nous rend la vie plus facile, plus rapide et plus pratique. D’un autre côté, il semble que nous ayons tendance à oublier d’apprécier le temps nécessaire aux processus, de percevoir les choses de multiples points de vue et de rechercher l’équilibre et l’harmonie.

Dans son essai Éloge de l’ombre, le philosophe et poète Junichiro Tanizaki (1886-1965) confronte l’esthétique traditionnelle japonaise à l’esthétique moderne occidentale, mettant en valeur des principes issus du zen et du taoïsme. Il confronte l’éclat et le brillant de l’esthétique occidentale au concept de wabi, basé sur les notions de solitude, de simplicité, de mélancolie, de nature – et au concept de sabi, basé sur les notions d’usure, de détérioration, de désuétude.

Tanizaki développe l’idée selon laquelle notre manière d’appréhender le monde et de se comporter est intimement liée aux matériaux, aux couleurs et davantage encore à l’éclairage, qui inuencent non seulement notre approche de l’espace mais également notre représentation de l’autre. À travers cette métaphore de l’ombre et de la lumière, Tanizaki défend une esthétique de la pénombre, comme alternative à l’esthétique occidentale où tout est éclairé. Si le texte date de 1933, il y a presque 90 ans, celui-ci demeure néanmoins profondément actuel, n’explorant pas uniquement les possibilités d’exprimer la beauté, mais identiant et analysant les écarts entre diérentes perceptions culturelles. Les observations de Tanizaki sont à la fois très personnelles et enracinées dans l’histoire de l’esthétique japonaise.

Inspiré par l’Éloge de l’ombre, Shades de Malika Kishino, nous montre l’importance de saisir les nuances et de rechercher la beauté dans notre vie quotidienne. Portant un regard critique sur une vision Kodachrome et Technicolor du monde – non sans une certaine euphorie, Shades met en évidence la fuite de la société moderne vers une forme de saturation et d’aveuglement et démontre de façon implicite le besoin de compléter nos vies par le vide, le silence, et le repos.

L’enjeu des spectacles de l’ensemble HANATSUmiroir est de créer une forme polymorphe qui intrigue à la fois l’œil et l’oreille des spectateur.rice.s et leur ore une expérience unique. La fusion de diérents médiums artistiques (musique, danse, lumière, scénographie, vidéo…) et ce qu’elle implique de réexion commune, de recherche, de communication, d’échange entre les diérentes temporalités et énergies, donnent à chacune de ces disciplines une place interdépendante. Ainsi, il y a plusieurs portes d’entrées au processus de création, entre lesquelles toute l’équipe peut rebondir, prendre ou perdre pied, pour parvenir à une œuvre où se mêlent en symbiose les diérents médiums.

Shades est ainsi né de constants allers-retours entre les propositions des interprètes – musicien.ne.s et danseur.euse.s, de la chorégraphe, de l’éclairagiste et vidéaste, et les idées de la compositrice. Un rebond fructueux et fertile entre le champ du sonore et celui du visuel a permis, dès le départ, de créer un lexique de toutes les interactions possibles entre ces diérent.e.s protagonistes, dans l’objectif de rendre visible le sonore, et de rendre sonore le visible. Ce large spectre situe Shades entre des aspects tangibles et sensibles. Les sept épisodes constituant Shades, inspirés des extraits choisis de l’essai de Tanizaki, sont autant de degrés entre l’ombre et la lumière, leur énergie de mouvement respective. Une hybridation entre la force des sons et les mouvements des danseur.euse.s est à la base du caractère de chaque épisode. Ces épisodes mettent en évidence la saturation de nos espaces intérieurs et extérieurs et y laissent naître un vide fertile.

Le projet est de créer une dramaturgie organique traversant sept états issus de la compréhension d’Éloge de l’ombre. Celle-ci permet aux spectateur.rice.s de créer leur propre voyage et la narration de leurs propres vies en la confrontant à l’ombre, à l’invisible, à ce qui est caché.